Une
contribution d’Adam Thiam, Le Republicain
« D’ici à ce que les Bamakois
finissent de s’étriper sur le sujet des concertations nationales, les
jihadistes auraient fini leur boulot. Le Mali ne s’est jamais autant
humilié ». Le ressortissant de Gao refugié dans la capitale depuis
avril dernier, savait-il seulement que l’armée malienne est sur son pied
de guerre, piquée au vif par l’avancée facile vers le Sud du pays d’Aqmi
et de ses fondés de pouvoir ? Selon des sources concordantes, des
soldats de l’ex Base aérienne, de Kati, de Ségou et de Sikasso font mouvement
depuis quarante huit heures sur Sevaré.
Si les sources militaires et sécuritaires
préfèrent botter en touche, sans doute par souci de discrétions, plusieurs
témoins de cette ville affirment que les troupes régulières
étaient, hier, allées à la rencontre des jihadistes qui se trouvaient dans l’après-midi
à seulement une cinquantaine de kilomètres de la ligne de front. Des habitants
de la localité de Boré entre Sévaré (base de l’armée malienne) et
Douentza (position tenue par les jihadistes) rapportent que les soldats maliens
durent repousser les assaillants à coup de Bm 21 vers 16 heures [lundi].
La nouvelle s’est répandue à Sévaré et Bamako aussi. Mais les sources
sécuritaires interrogées ne confirmaient pas, hier soir, ce premier accrochage.
« L’armée ne reculera plus »
Les jihadistes durent reculer vers
Douentza, selon des sources villageoises, marquant ainsi, si l’accrochage
s’avérait, le premier choc entre les soldats maliens et les islamistes depuis
l’occupation du Nord en avril dernier par le Mnla, Aqmi, Ansardine et le
Mujao. « Il faut que le Mali donne une leçon mémorable à ces
bandits. Notre armée ne reculera plus », s’enorgueillissaient plusieurs de
nos interlocuteurs. Et la hiérarchie militaire. Elle garde le silence sur sa
stratégie mais reconnaît les mouvements de cinquantaines de
voitures jihadistes vers la ligne de front.
Que veut dire cette nième bravade des
occupants du Nord malien ? Difficile d’y voir clair. Pour d’anciens
officiers, Aqmi veut simplement faire de la zone de Douentza sa ligne de front
en essayant d’empêcher l’armée d’avancer vers les places fortes des islamistes
que sont Tombouctou, Gao et Kidal. L’idée d’attaquer l’armée malienne à
Sévaré relèverait, pour ces militaires retraités, d’une erreur tactique qu’Aqmi
pourrait chèrement payer. Leur argument est qu’hors de leur espace et
sans la tactique du harcèlement et l’effet-surprise, les mujahidines sont des
proies faciles pour toute armée, à fortiori quand celle-ci a plus à se défendre
qu’à attaquer. Et pourtant, des ressortissants du Nord ne voient pas dans cette
provocation d’Aqmi la seule témérité suicidaire. Quoi alors ? Un
maire du Nord lui aussi réfugié à Bamako s’interroge : « je ne
sais vraiment pas ce que visent les salafistes. Mais ils ont une idée en
tête ».
Pour un acteur de la société civile du
Nord très au fait des logiques de la nébuleuse, tout ce mouvement vise à
rendre Ansardine inéligible au dialogue. Cet observateur averti
ajoute : « Ansardine ne se jouera pas facilement d’Aqmi. Iyad est le
premier à le savoir ». Comme si Bassolé avait tout entendu, les
négociations entre la délégation malienne et Ansardine-Mnla prévues à Ouaga le
10 janvier ont été reportées. Le baroud des jihadistes vers le Sud y est
certainement pour quelque chose.
Mais le fait que la Commission Nationale
des Négociations ne soit toujours pas désignée est aussi l’autre explication,
croient savoir plusieurs responsables d’organisations ou de communautés du
Nord. Cette Commission qui animera le dialogue inter-malien constituerait,
pourtant à leurs yeux, une bouée de sauvetage et pour Iyad qui « est
de fait le dernier otage aux mains d’Abuzeid » et pour le Mnla qui ne sera
rassuré que « pardonné par les communautés sédentaires ». En
attendant, la fête de l’armée approche – le 20 janvier – et ceux
des Maliens qui souffrent de la situation du Nord et du pays donneraient
tout pour une défaite cuisante des islamistes ce jour ou même avant.