Makan
Diallo, docteur en droit privé et avocat au barrot de Paris porte un regard rétrospectif sur la crise malienne. Dans son analyse, il met l’accent sur la nécessité pour
le Mali de redevenir un Etat démocratique, républicain et où chaque citoyen
pourrait pleinement jouir de ses droits et devoir. Il prône la mise en place
des institutions ayant une base plus saine et plus transparente et encourage l’émergence d’une élite
particulièrement jeune et qui n’a de préoccupations que le développement du
pays et l'allégement des souffrances du peuple malien. Suivons son analyse.
MALI : Etat des lieux
depuis les évènements du 22 mars 2012.
Il
y a de cela 6 mois, ATT a été déposé par des soldats mutins de Kati avec à leur
tête le capitaine Sanogo. Une mutinerie entre soldats qui s’est soldée par
accident au renversement du régime, car il faut le dire il n’y avait rien en
face comme dirait l’autre. ATT avec son statut de Général cinq étoiles et sa
clique ont détalé comme des lapins, laissant Koulouba et le pouvoir aux mains
des gens qui n’en espéraient pas tant, leurs revendications se limitant à
priori aux seules doléances militaro militaires liées à la gestion du nord du
pays. De simples doléances faites de manière un peu musclée, il faut en
convenir, les mutins furent les premiers
étonnés de se retrouver avec une facilité déconcertante aux commandes de l’Etat
sans y être véritablement préparés.
Cet évènement d’envergure a entraîné le Mali
dans une convulsion socio politique et sécuritaire sans précédent dont les
effets ne se sont pas encore estompés, loin de là. Le nord en proie à une
rébellion touarègue à visée sécessionniste et une islamisation rampante des
fous de dieu, le tout saupoudré de trafics en tous genres (prises d’otages,
drogues, armes etc.). Le Sud, principalement Bamako contraint malgré elle à subir
les assauts répétés et autres galimatias d’une race d’hommes politiques qui ont
juré d’achever in fine le peu de souffle qui reste du Mali pour passer de vie à
trépas. Situation ubuesque, cauchemardesque, apocalyptique, car pour finir avec
l’Etat Nation du Mali, on ne se serait pas pris autrement. A croire que les
mannes célestes ont décidé de lâcher pour de bon le Mali, un pays, qui pour
autant semblait bénéficier des bienfaits divins par sa stabilité, son processus
démocratique, sa croissance économique, bref un pays où il faisait bon vivre.
Aujourd’hui,
le Mali est à la croisée des chemins. Après plusieurs soubresauts, de gué-guerres de tergiversations, de crocs
en jambes, de « je t’aime, moi non plus », de violences sous
toutes ses formes, les acteurs politiques ont semble t-il été touchés par la
grâce divine pour finalement enterrer la hache de guerre, mettre le Mali au
dessus de leurs intérêts partisans, et œuvrer pour l’atteinte des objectifs
fixés par la transition à savoir : la reconquête du Nord du pays et
l’organisation d’élections libres et transparentes.
On
peut se hasarder à dire qu'une certaine accalmie se dessine progressivement
dans l’espace politique malien, même si la nouvelle donne ne doit pas forcement
conduire à un optimisme béat et partant baisser la garde, car un regain de
tensions n’est pas toujours à écarter, les intérêts étant divergents entre
acteurs concernés (junte, premier ministre, président par intérim, classes
politiques éclatées etc.), et les rapports de force assez fluctuants.
Néanmoins, force est de constater que les lignes sont entrain de bouger dans la
bonne direction et que l’espoir est permis quant à un ressaisissement du
personnel politique, préalable à toute idée de (re)construction nationale.
De
la reconquête du Nord Mali
La
reconquête du nord est impérative et se fera nécessairement et absolument, si
nous voulions continuer à parler du Mali comme Pays souverain. A ce niveau,
toute question liée à une quelconque autonomie ou indépendance d’apatrides en
mal de reconnaissance ou d’application d’une charia qui ne dit pas son nom, car
en l’espèce on ne saurait parler de la charia islamique de la part d’individus
aux antipodes des préceptes islamiques, est hors de propos. Il ne faut pas se
voiler la face, aucune négociation n’est possible avec les positions tranchées
des envahisseurs et leur détermination à poursuivre leur «
jihad ». Donc, le peuple souverain
du Mali ne peut qu’agir militairement pour recouvrer son territoire, toute
spéculation à ce niveau n’est que pure perte de temps et ne peut que profiter à
ces troubadours de s’incruster davantage dans le Mali profond.
Une
guerre n’est jamais bonne, mais avec ce qui se passe au Nord Mali, il ne reste
que cette seule et unique option pour remettre les choses en l’état. Le Mali
pas plus qu'un autre pays dit souverain ne saurait tolérer la partition de son
territoire sans réagir.
Le rappel des troupes
Nos braves soldats, on peut toujours les
appeler ainsi, après une débâcle à mettre plus ou moins au compte de la
confusion généralisée qui a régné à la suite du coup d’état du 22 mars 2012
reprennent du poil de la bête et s’impatientent d’aller en découdre avec
l’ennemi et redorer son blason qui a été sérieusement entamé ces derniers mois.
Une guerre ne se décrète pas. Elle demande un minimum de préparation. Il s’agit
pour le Mali de mener cette guerre avec le minimum de dommages tout en
atteignant les objectifs. Il y a un
avant, un pendant et un après en matière de guerre. Les non initiés se
focalisent sur le pendant, alors que l’avant et l’après guerre sont tout aussi
importants et ne sauraient être négligés. Il est clair que d’un point de vue
militaire le processus de reconquête a
déjà commencé au moins théoriquement.
La grande muette comme à son habitude est
avare en informations, néanmoins des signes bien perceptibles font croire à un
rappel des troupes et à l’imminence d’une offensive pour le moins réclamée
depuis fort longtemps par l’écrasante majorité des Maliens. Il faut dire que
les Maliens piaffent d’impatience de recouvrer l’entièreté de leur territoire
et au passage de donner une bonne correction à ceux qui, par leurs agissements
ont voulu humilier le pays.
Quid de la puissance de
l’armée Malienne et l’appui de la communauté internationale?
L’inconnu à ce niveau est peut être la
capacité réelle de L’armée malienne de mener à bien cette guerre quand on sait
l’état dans lequel, elle est depuis plus de 20 ans. L’acquisition de matériels
militaires, la formation des troupes, le renforcement des capacités techniques
et militaires étaient relégués au second plan rendant du coup cette armée
moribonde. Aujourd’hui, l’Etat Malien essaie tant bien que mal de remettre ce
« grand corps » malade sur pied. Des matériels militaires ont semble
t il été acquis et une réorganisation technique, militaire et stratégique est
faite dans l’optique d’une offensive fort imminente. Les experts militaires ont
certainement procédé à une évaluation des besoins et surtout anticipé intellectuellement les tenants et
aboutissants d’une telle intervention.
Il
est clair que dans cette guerre, les troupes maliennes seront à l’avant-garde.
Une aide internationale ne viendra qu'en appui et permettra sans doute de
renforcer les capacités de nos forces de défense sur le terrain et d’un point
de vue diplomatique d’apporter la caution de la société des nations à ce qui apparaît comme une agression sauvage de la part de criminels et autres bandits
de grand chemin.
Officiellement
la CEDEAO, l’UA sont partantes pour aider le Mali à reconquérir son territoire,
néanmoins, leur incapacité légendaire à faire face à leurs obligations incite à
la prudence. Leurs interventions sont souvent émaillées de
ratés. Les cas du Liberia, de la RDC, de la sierra Léone et de la Guinée Bissau
sont là pour nous rafraîchir la mémoire. Néanmoins dans la situation actuelle
du Mali, c’est un mal nécessaire auquel
il va falloir s’en accommoder. Ces
instances supra nationales doivent jouer leur partition.
L’ONU joue à la prudence ainsi que d’ailleurs les USA qui conditionnent toute
implication à l’installation préalable d’institutions légitimes et crédibles.
Ce qui est une aberration et parait improbable, car en l’état actuel des choses
aucune élection n’est possible avec la partition du pays sans compter que les
conditions techniques, matérielles, financières ne sont pas réunies autant dire que les USA par une pirouette ne
veulent pas se mouiller dans une autre aventure qui leur rappelle peut être
celle de l’Afghanistan. D’ailleurs ce n’est pas pour rien qu'on parle de sahelistan,
un autre piège à cons pour occidentaux appelés à prêcher « les bonnes
manières » dans les quatre coins de la planète, mais aussi de véritable
tombeau.
La
France est prête à aider le Mali, elle y a intérêt, pour elle-même d’abord. Ne dit on pas en matière de relations
internationales, qu’un pays n’a pas d’amis, mais des intérêts. Machiavel ne
nous démentira point. Un foyer d’islamistes dans le sahel où la France est
présente, historiquement, économiquement, stratégiquement etc. ne peut que menacer
ses intérêts. Le seul exemple du groupe français AREVA au Niger où la France,
loin des regards indiscrets enrichit l’uranium et « travaille » le
nucléaire est là pour justifier l’implication de ce pays, sans compter qu’elle
porte une grande responsabilité dans la dégradation de la situation avec la
venue d’une horde d’anciens soldats libyens avec des armements lourds, effets
collatéraux de la chute du régime de Mouammar KADAFFI à laquelle la France a joué un rôle de
premier plan.
Pacifier
cette partie du monde protège par ricochet les pays occidentaux en termes
d’économie, de géostratégie, mais aussi de sécurité, le sahel étant à quelques
heures seulement à vol d’oiseau de l’Europe. La France est dans l’obligation
d’agir, même si d’autre part, le sort des otages français est une vraie
préoccupation.
Une
participation française à l’effort de
guerre sur un plan logistique, de
renseignements et même financier est absolument nécessaire dans l’optique de la
reconquête du territoire.
Les
derniers développements d’un point de vue diplomatique indiquent que les
candidats pour aider le Mali ne se bousculent plus aux portillons. Certains,
qui au départ étaient pressés d’une offensive militaire se dégonflent. D’autres
jouent à se faire peur en anticipant sur une guerre qui risque de s’enliser ou
de faire effet boule de neige.
La
seule vérité qui vaille, est que le Mali a sa guerre, qui lui a été
malheureusement imposée. Elle va la faire avec ou sans l’aide de la communauté
internationale, non par bravade, mais tout simplement parce qu’il n’a pas le
choix. Les Maliens doivent compter sur eux mêmes d’abord avant toute aide d’où
qu’elle vienne. Les défections, hésitations, revirements etc. font croire que
dans cette guerre certains « pays amis » du Mali ne jouent pas franc
jeu. Ces pays commencent à montrer leur vraie face, et il appartient au Mali de
ne pas faiblir. Encore une fois les intérêts ne sont pas les mêmes d’un pays à
un autre surtout en ce qui concerne les pays limitrophes qui craignent à ce qu'on leur refile la « patate chaude ». Le Mali ne saurait passer
sous les fourches caudines de pays complices de son infortune.
Aussi
la nouvelle donne quant à une fébrilité ou hésitation de certains pays doit
inciter les autorités maliennes à envisager un plan B, c'est-à-dire la mise en
œuvre d’un calendrier national pour
parer à toute éventualité et mener à bien cette guerre. Le temps joue contre
nous. L’armée malienne doit au plus vite être prête pour jouer son rôle dans
les meilleurs délais. Chers fantassins maliens, Faites honneur au serment
militaire, libérez le pays !!!!
Le
MNLA n’étant qu'une coquille vide avec quelques escrocs agitateurs qui n’ont
que le lucre en tête pour faire chanter le pouvoir central de Bamako quant à
une autonomie des touaregs dont d’ailleurs l’écrasante majorité n’a rien
demandé et revendique au contraire leur appartenance à la nation Malienne, les
véritables envahisseurs sont les islamistes et autres criminels du genre. Le
Mali doit les bouter hors du territoire national et faire du septentrion une
zone militarisée. L’Etat doit être présent, et l’accent doit être mis sur le
développement socio économique de toute la région pour faire taire certains
esprits chicaniers qui amalgament sécession et non développement.
Premier
objectif atteint, place à l’organisation d’élections crédibles, libres et
transparentes.
L’organisation
d’élections démocratiques, libres et transparentes
A
ce niveau, les choses ne sont pas aussi simples avec la spécificité d’une
classe politique malienne capricieuse et belliqueuse qui n’arrête pas de se
donner en spectacle.
Il
faut déjà que chacun comprenne que cette transition, malgré la fixation d’un
délai fixé par la CEDEAO est partie pour durer dans le temps. Tout concourt à
cela à commencer par le défi de la reconquête du Nord. Nul ne peut prédire la
fin d’une telle guerre, et tant que nous sommes en guerre, rien ne pourra être
fait. Ce seul fait peut justifier le maintien du statut quo ante.
Il
y a ce qu'on appelle les intérêts antagonistes entre acteurs concernés. Il est
clair que ceux qui sont aux affaires veulent y rester pour x ou y raison, et
ceux qui sont en marge veulent y arriver pour x ou y raison. Ce qui est sûr
c’est que le pouvoir malgré tout, attire.
La junte Militaire, au départ baptisée CNRDRE (Comité
National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat) a
fait sa mue. Aujourd’hui sous le manteau d’une formule plus martiale et moins
politique nommée CMSRFDS ( Comité Militaire de Suivi de la Reforme des Forces
de Défense et de Sécurité), les auteurs du coup d’Etat sont entrain de montrer
à la face du monde qu'ils n’ont jamais été mis à la touche, et mieux que c’est
eux qui détiennent la réalité du pouvoir. Aucune décision d’envergure
concernant le Mali n’est prise sans la bénédiction ou l’implication de la
junte. Pour dire que nos civils servent tout simplement de paravent ou de
marionnettes, les ficelles étant tirées par les militaires qui ne peuvent pour
des raisons que nous savons tous se mettre au devant de la scène. Sanogo et
compagnies assurent leurs arrières en restant scotchés au pouvoir. Une
vengeance ou un règlement de comptes n’est pas à écarter avec tout ce que
l’armée a connu ces derniers temps comme convulsions, sans compter que les ors
et délices du pouvoir pour des gens qui ont trimé pendant longtemps ne sont pas
à négliger.
Le Premier Ministre, voilà quelqu’un qui doit sa place à ses
hauts faits à la NASA. Tout ce qui est arrivé de positif à Cheick Modibo Diarra
est lié à son exploit historique dans le pays de l’oncle Sam. Entre autres
Président de Microsoft Afrique, Président de l’université virtuelle africaine, la
nomination de l’enfant de Ségou au poste de Premier Ministre de transition est
le couronnement d’un parcours fort remarquable. Sa méthode de gouvernance est
décriée par une frange de la classe politique même si sa volonté de vrai
changement sollicité par le peuple Malien est patente. Un homme neuf dans le serial politique avec
une nouvelle vision en totale rupture avec l’ordre ancien.
Aujourd’hui,
l’homme ne fait pas l’unanimité à tort ou à raison. Gendre du Général Moussa
Traoré renversé par ATT, le Premier Ministre de pleins pouvoirs poursuit sa
mission avec une méthode qui ne plait pas à tout le monde. Candidat à
l’élection présidentielle avortée de 2012 l’outsider qu’il était face à des
grosses pointures comme Soumaila Cissé, IBK, Modibo Sidibé, Dioncounda Traoré,
est devenu au gré des événements un des acteurs majeurs du Mali d’aujourd’hui
et peut être de demain s’il parvient à mieux tirer son épingle du jeu trouble
de la transition.
La
volonté de changement est réelle chez le Premier Ministre même si très souvent,
il s’en mêle les pinceaux. Avec le temps, les choses s’amélioreront, car lui
aussi entend prouver aux Maliens qu’il est le bon choix. Il ne veut pas lâcher
le pouvoir pour les « restaurateurs » et autres resquilleurs qui on
pillé le pays.
Dioncounda
Traoré, Président par intérim, apparait comme une force tranquille, qui ne
demande qu’à rester là où il est quitte à ne rien faire. Le statut de Président
« marionnette » ou de façade lui suffit amplement. Tant que je suis
Président, tant qu’on ne me met pas à la touche, tout va bien dans le meilleur
des mondes.
Voilà
le triumvirat qui dirige le Mali, et aucune entité ne veut céder d’un pouce.
Une prolongation (d’ailleurs c’est ce qui se dessine) de la transition ne leur
déplaira pas. A quand les prochaines élections au Mali ? Bien malin celui
qui répondra à cette question.
La
classe politique Malienne est un fourre tout, où les escrocs côtoient les vrais
patriotes. Le coup d’Etat a stoppé net l’appétit glouton des uns et des autres,
et les choses ne sont pas encore claires quant à une reprise normale des
activités. Cette période d’exception ne leur profite guère, sevrée pour la
plupart de participation dans la gestion de l’Etat. Donc un retour à l’ordre
constitutionnel normal avec à la clé des élections libres, transparentes et
démocratiques est vivement souhaité. L’impératif d’une reconquête du territoire
constitue l’inconnu en termes de délai pour fixer un calendrier électoral.
L’organisation du scrutin confiée à l’administration territoriale est un
véritable défi pour la transition car il y va de la stabilité future du pays,
de son retour dans le giron démocratique, et de son développement. Le choix du
nouveau Président et des nouvelles institutions du pays doit répondre aux seuls
critères démocratiques où le Peuple Malien dans son ensemble aura le dernier
mot. L’épisode du 22 mars 2012 ne doit plus se produire, conséquence des
travers d’une démocratie de façade sur fond de corruption, de gabegie, de trafic
d’influence, d’impunité, d’injustice, de paupérisation croissante des masses
populaires en face d’une oligarchie compradore.
Un
bon Président élu démocratiquement est un gage de développement et d’espérance
à lui seul. Faisons en sorte que le Mali sorte de ce mauvais pas et emprunte le
chemin de l’espoir et du développement. Fils du Mali, réfléchissons sereinement et agissons à bon escient pour
l’intérêt de notre patrie.
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