Le Haut
Conseil Islamique du Mali (HCIM) a été créé en janvier 2002 pour fédérer et
représenter les diverses tendances de l’islam qui, selon les estimations,
concernerait plus de 90% des Maliens. Dirigé par un président issu du Bureau
Exécutif National élu pour 5 ans, le HCIM a été conçu pour affirmer la
pluralité et la liberté religieuses et servir d’interface avec les pouvoirs
publics. Il devait rompre enfin avec le système promu par l’Association
Malienne pour l’Unité et la Progrès de l’Islam (AMUPI), courroie de
transmission du parti unique de l’ancien dictateur Moussa Traoré.
En dépit
d’un activisme des « Gens de la Sunna » ou « Wahhabites »,
le premier Bureau Exécutif National choisissait Thierno Hady
Boubacar Thiam comme président. Ouléma modéré, Thiam représentait non seulement
la majorité malékite, mais veillait à ce que le HCIM soit apolitique, tout en
pesant dans la prise en compte des normes islamiques par les politiques
publiques.
En janvier
2008, le HCIM voit l’élection de Mahmoud Dicko à la présidence. Imam de la
grande mosquée sunnite de Badala, ex-Secrétaire Général de l’AMUPI et Premier
Secrétaire sortant aux Affaires religieuses, Dicko est originaire du nord du
Mali. S’il demeure évasif sur ses orientations wahhabites, il engage le HCIM
dans l’arène politique dès 2009, où il parvient à faire suspendre la loi
sur le Code de la famille et des personnes, auquel il impose 49 modifications
adoptées en décembre 2011. Déjà, en septembre de la même année, le HCIM plaçait
son Secrétaire Général à la tête de la Commission Électorale Nationale
Indépendante en vue des élections générales.
Cet entrisme
prend alors effet dans la crise qui éclate le 22 mars 2012. Après avoir joué un
rôle de médiateur controversé auprès des putschistes, en août 2012, le HCIM
sauve la place du Premier Ministre qui, en échange, crée un Ministère des
Affaires Religieuses confié à l’un de ses membres. Le 23 septembre, il organise
un atelier sur les conditions d’application de la charia et
espère en présenter la résolution aux principaux leaders des forces armées
salafistes du nord. Médiateur au sud comme au nord, le HCIM de Mahmoud Dicko
vise désormais la nature constitutionnelle de l’État, sous couvert d’une
restauration négociée de l’unité nationale.
De nouvelles
élections du HCIM sont programmées pour janvier 2013. Si le Bureau sortant
affiche une certaine confiance quant à sa réélection, un Groupement des Leaders
Spirituels Musulmans du Mali s’est constitué fin octobre 2011, dirigé par le
prêcheur Chérif Ousmane Madani Haïdara. Ennemi historique des Wahhabites,
Haïdara est vice-Président de l’actuel HCIM et compte notamment le Président
Thiam à ses côtés dans cette initiative. Son objectif consiste à rassembler
l’islam malékite afin de peser, d’une part sur le rétablissement de la
représentativité du HCIM et, d’autre part, sur le rejet du débat à propos de la
charia, au profit de celui du maintien de la République laïque dans une stricte
séparation entre le politique et le religieux.
Face à ce
qui s’apparente à un verrouillage du HCIM par le Bureau sortant, lequel
envisagerait d’augmenter sensiblement les montants du droit d’adhésion et de
cotisation, le journal L’Aurore rapporte que le même Chérif Haïdara et son
collectif souhaiteraient désormais mettre en place une nouvelle organisation et
laisser le HCIM aux seuls tenants de l’option salafiste. Cette situation inédite
rappelle étrangement celle qui prévaut en Côte d’Ivoire, où le Conseil des
Imams Sunnites (CODIS) a fait sécession en se constituant en marge du Conseil
Supérieur des Imams (COSIM).
Credit :
Boubou Cissé,
Economiste, originaire de Djenné, spécialiste des questions de développement
humain en Afrique.
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