lundi 29 octobre 2012

Le Haut Conseil Islamique du Mali, un organe islamique et instrument politique de tous les dangers


Le Haut Conseil Islamique du Mali (HCIM) a été créé en janvier 2002 pour fédérer et représenter les diverses tendances de l’islam qui, selon les estimations, concernerait plus de 90% des Maliens. Dirigé par un président issu du Bureau Exécutif National élu pour 5 ans, le HCIM a été conçu pour affirmer la pluralité et la liberté religieuses et servir d’interface avec les pouvoirs publics. Il devait rompre enfin avec le système promu par l’Association Malienne pour l’Unité et la Progrès de l’Islam (AMUPI), courroie de transmission du parti unique de l’ancien dictateur Moussa Traoré.

En dépit d’un activisme des « Gens de la Sunna » ou « Wahhabites », le premier Bureau Exécutif National choisissait Thierno Hady Boubacar Thiam comme président. Ouléma modéré, Thiam représentait non seulement la majorité malékite, mais veillait à ce que le HCIM soit apolitique, tout en pesant dans la prise en compte des normes islamiques par les politiques publiques.

En janvier 2008, le HCIM voit l’élection de Mahmoud Dicko à la présidence. Imam de la grande mosquée sunnite de Badala, ex-Secrétaire Général de l’AMUPI et Premier Secrétaire sortant aux Affaires religieuses, Dicko est originaire du nord du Mali. S’il demeure évasif sur ses orientations wahhabites, il engage le HCIM dans l’arène politique dès 2009, où il parvient à faire suspendre la loi sur le Code de la famille et des personnes, auquel il impose 49 modifications adoptées en décembre 2011. Déjà, en septembre de la même année, le HCIM plaçait son Secrétaire Général à la tête de la Commission Électorale Nationale Indépendante en vue des élections générales.

Cet entrisme prend alors effet dans la crise qui éclate le 22 mars 2012. Après avoir joué un rôle de médiateur controversé auprès des putschistes, en août 2012, le HCIM sauve la place du Premier Ministre qui, en échange, crée un Ministère des Affaires Religieuses confié à l’un de ses membres. Le 23 septembre, il organise un atelier sur les conditions d’application de la charia et espère en présenter la résolution aux principaux leaders des forces armées salafistes du nord. Médiateur au sud comme au nord, le HCIM de Mahmoud Dicko vise désormais la nature constitutionnelle de l’État, sous couvert d’une restauration négociée de l’unité nationale.

De nouvelles élections du HCIM sont programmées pour janvier 2013. Si le Bureau sortant affiche une certaine confiance quant à sa réélection, un Groupement des Leaders Spirituels Musulmans du Mali s’est constitué fin octobre 2011, dirigé par le prêcheur Chérif Ousmane Madani Haïdara. Ennemi historique des Wahhabites, Haïdara est vice-Président de l’actuel HCIM et compte notamment le Président Thiam à ses côtés dans cette initiative. Son objectif consiste à rassembler l’islam malékite afin de peser, d’une part sur le rétablissement de la représentativité du HCIM et, d’autre part, sur le rejet du débat à propos de la charia, au profit de celui du maintien de la République laïque dans une stricte séparation entre le politique et le religieux.

Face à ce qui s’apparente à un verrouillage du HCIM par le Bureau sortant, lequel envisagerait d’augmenter sensiblement les montants du droit d’adhésion et de cotisation, le journal L’Aurore rapporte que le même Chérif Haïdara et son collectif souhaiteraient désormais mettre en place une nouvelle organisation et laisser le HCIM aux seuls tenants de l’option salafiste. Cette situation inédite rappelle étrangement celle qui prévaut en Côte d’Ivoire, où le Conseil des Imams Sunnites (CODIS) a fait sécession en se constituant en marge du Conseil Supérieur des Imams (COSIM).


Credit :
Boubou Cissé, Economiste, originaire de Djenné, spécialiste des questions de développement humain en Afrique.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire